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Rafał Blechacz et Chopin

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« L’artiste conduit la poésie jusqu’à l’impalpable »   « Un coeur pur au piano, en nuances subtiles et racées » (Dernière mise à jour : 23 novembre 2024)  Rafał Blechacz, pianiste classique originaire de Pologne, a acquis une renommée internationale après  sa victoire éclatante au XVe Concours international de piano Frédéric Chopin à Varsovie. Le 21 octobre 2005  1 ,  à seulement vingt ans, il s'est distingué en remportant non seulement le premier prix, mais également tous les prix d'interprétation : meilleure Polonaise, meilleure Mazurka, meilleure Sonate, meilleur Concerto, ainsi que le Prix spécial du public. 2     Rafał Blechacz (📸  Marco Borggreve   ) Sa performance, d'une qualité exceptionnelle, a conduit le jury à ne décerner aucun deuxième prix cette année-là, une situation sans précédent dans l’histoire de ce prestigieux concours, fondé en 1927  3 .  En hommage à cette prouesse, Rafał Blechacz a également reçu une réplique de la couronne de laurier argentée offert

En ce 15 Février, le témoignage émouvant d'Ernest Legouvé sur sa rencontre avec F. Chopin




     Ernest Legouvé, écrivain français né le 15 février 1807, écrivit ce beau témoignage de sa première rencontre avec F. Chopin:

"Des yeux bruns d'une douceur limpide incomparable"

« Je dus (à Berlioz) une autre grande joie musicale. Un soir, il arrive chez moi: 

«Venez, me dit-il, je vais vous faire voir quelque chose que vous n’avez jamais vu, et quelqu’un que vous n’oublierez pas ».  

Nous montons au second étage d’un petit hôtel meublé [Cité Bergère, au n° 4, où F. Chopin occupe une chambre au 1er étage, de la fin de 1832 à juin 1833], et je me trouve vis à vis d’un jeune homme pâle, triste, élégant, ayant un léger accent étranger, des yeux bruns d'une douceur limpide incomparable, des cheveux châtains, presque aussi longs que ceux de Berlioz et retombant aussi en gerbe sur son front. C'était Chopin, arrivé depuis quelques jours à Paris. Son premier aspect m'avait ému, sa musique me troubla comme quelque chose d'inconnu. 

 

Portrait de F. Chopin, 1838, Dessin d’Eugène Delacroix, Musée du Louvre, Paris


"Le son si particulier qu'il tirait du piano ressemblait au regard qu'il tirait de ses yeux"

«Je ne puis mieux définir Chopin, qu'en disant que c'était une "trinité charmante". Il y avait entre sa personne, son jeu et ses ouvrages, un tel accord, qu'on ne peut pas plus les séparer, ce me semble, que les divers traits d'un même visage. Le son si particulier qu'il tirait du piano ressemblait au regard qu'il tirait de ses yeux; la délicatesse un peu maladive de sa figure s'alliait à la poétique mélancolie de ses Nocturnes; et le soin et la recherche de sa toilette faisaient comprendre l'élégance toute mondaine d'une certaine partie de ses oeuvres; il me faisait l'effet d'un fils naturel de Weber et d'une duchesse; ce que j'appelais ses "trois lui" n'en formaient qu'un.


"La nuit venue, il entrait dans le groupe des esprits aériens, des êtres ailés"

« Son génie ne s'éveillait guère qu'à une heure du matin. Jusque-là, il n'était qu'un pianiste charmant. La nuit venue, il entrait dans le groupe des esprits aériens, des êtres ailés, de tout ce qui vole et brille au sein des demi-ténèbres d'une nuit d'été. Il lui fallait alors un auditoire très restreint et très choisi.

La moindre figure un peu déplaisante suffisait pour le déconcerter. Je l'entends encore, un jour où son jeu me semblait un peu agacé, me dire tout bas en me désignant du regard une dame assise en face de lui : "C'est la plume de cette dame ! Si cette plume-là ne s'en va pas, je ne pourrai pas continuer !"  


"La fièvre qui le brûlait nous envahissait tous !"

«Une fois au piano, il jouait jusqu'à épuisement. Atteint d'une maladie qui ne pardonne pas, ses yeux se cerclaient de noir, ses regards s'animaient d'un éclat fébrile, ses lèvres s'empourpraient d'un rouge sanglant, son souffle devenait plus court ! Il sentait, nous sentions que quelque chose de sa vie s'écoulait avec les sons, et il ne voulait pas s'arrêter, et nous n'avions pas la force de l'arrêter ! La fièvre qui le brûlait nous envahissait tous ! »


Source: Ernest Legouvé (1807-1903), Soixante ans de souvenirs (1888)



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