Rafał Blechacz et Chopin
Rafał Blechacz (📸 Marco Borggreve ) |
Sa performance, d'une qualité exceptionnelle, a conduit le jury à ne décerner aucun deuxième prix cette année-là, une situation sans précédent dans l’histoire de ce prestigieux concours, fondé en 1927 3. En hommage à cette prouesse, Rafał Blechacz a également reçu une réplique de la couronne de laurier argentée offerte à Halina Czerny-Stefańska en 1949 4.
(📸 Rafał Blechacz, Concours Chopin 2005) |
Il est ainsi devenu, après Krystian Zimerman en 1975, le seul pianiste Polonais à avoir remporter ce concours depuis lors.5
Poursuivant son parcours remarquable, Rafał Blechacz s'est vu décerner en 2014 le prestigieux Gilmore Artist Award, une distinction attribuée tous les quatre ans à un pianiste au talent exceptionnel.6
1. Rafał Blechacz: "le 22 octobre 2005 à 0h30, j'ai été
annoncé comme le lauréat du 15e Concours international de piano
Frédéric Chopin" – facebook.com/rafalblechacz/posts
2. 3. 5. Institut National Frédéric Chopin (Narodowy Instytut Fryderyka Chopina) : The 15th International Fryderyk Chopin Piano Competition
4. Halina Czerny-Stefańska a obtenu le premier prix ex-aequo avec l’artiste soviétique (puis américaine) Bella Davidovitch. Aucun pianiste polonais (ni aucune pianiste féminine) n’avait obtenu le premier prix avant 1949. – Musée Frédéric Chopin de Varsovie (Muzeum Fryderyka Chopina): Rafał Blechacz był niekwestionowanym.
6. blechacz.net
Les prochains concerts
- Vendredi 13 juin 2025: Théâtre des Champs-Elysées à Paris – Beethoven, Schubert, Chopin (Mazurkas et Scherzo n° 1 opus 20).
- Samedi 14 juin 2025: Festival de Nohant 😍 (Domaine de George Sand, Indre) – Programme à confirmer, réservations ouvertes dès le 12 mars 2025.
Pour rappel, M. Blechacz était à Paris le 6 mai 2024 pour un récital entièrement dédié à Chopin 💝
Discographie
- sur ordinateur: survolez les albums avec la souris,
- sur téléphone et tablette : appuyez longuement sur un album.
Oeuvres de Chopin enregistrées ou diffusées en ligne
(Dernière mise à jour : 22 novembre 2024)
Ballades
- n° 1 opus 23 : 🎧 2011 à Fribourg (source fiable: R. Blechacz Radio), 🎥 date et lieu non précisés (2011 probablement)
- n° 3 opus 47 : 🎥 2009 à Hambourg (📍montage comportant des coupures)
Concertos
- opus 11 : 💿 2009 (1er mouvement), 🎥 Concours Chopin 2005: 2e mouvement, 3e mouvement
- opus 21 : 💿 2009 (2e mouvement: Larghetto, 3e mouvement: Allegro vivace), 🎥 2023 à Lucerne (1er mouvement: Maestoso), 🎥 2013 à Detroit
- opus 10 : n° 8 et n° 10 : 🎥 Concours Chopin 2005
Mazurkas
- opus 6
- n° 1 : 🎥 2023 à Bad Kissingen
- opus 17:
- n° 1 : 🎥 Concours Chopin 2005
- n° 2 : 🎥 2008 à Verbier, 🎧 2006 à Duszniki-Zdrój
- n° 3 : 🎥 2009 à Hambourg
- n° 4 : 💿 2009, 🎥 concert en 2009 à Hambourg :⬇️
✨🎶 et le silence qui suit est encore de Chopin...🎶✨
✨️🎶✨️
- opus 24 :
- n° 1 : 💿 2021, 🎥 2018 à La Fenice
- n° 2, 3 : 🎥 2018 à
La Fenice
- n° 4 : 🎥 2018 à La
Fenice, 🎥 2019 à Milan
- opus 41 :
- n° 2 : 🎧 2011, lieu non précisé (source fiable: R. Blechacz Radio)
- n° 4 : 🎧 2011, lieu non précisé (source fiable: R. Blechacz Radio)
- n° 2 : 🎧 2011, lieu non précisé (source fiable: R. Blechacz Radio)
- opus 50 :
- n° 1 : 💿 2007
- n° 3 : 🎥 2006 à Tokyo Opera City
- n° 1, 2 et 3 : 🎥 Tokyo sans précision de date (2012 ou antérieur), vidéo en 2008 à Verbier
- opus 56 :
- n°1, 2, 3 : 🎥 Concours Chopin 2005
- opus 63 :
- n° 1, 2, 3 : 🎧 2013 à Rheingau (source fiable: R. Blechacz Radio)
- opus posthume (Lento Con Gran Espressione) : 💿 2019 🎻 arrangement pour violon et piano, 🎧 2010 à Bruxelles, au piano solo (📍fiabilité de la source à confirmer: pioter2a)
- opus 9
- n° 2 : 💿 2022 🎻 arrangement pour violon et piano
- opus 32 :
- n° 1 : 🎧 1996, concert au Studio W. Lutosławski à Varsovie, à l'âge de 11 ans (source fiable: R. Blechacz Radio) 1
- n° 2 : 🎧 2013 à Rheingau (source fiable: R. Blechacz Radio)
- opus 48
- n° 2 : 💿 2023 2
- opus 62
- n° 1 : 💿 2007, 🎥 Concours Chopin 2005
- n° 2 : 💿 2007
- opus 26 :
- n° 1 : 💿 2013, 🎥 Deutsche Grammophon
- n° 2 : 💿 2013
- opus 40
- n° 1 : 💿 2013, 🎥 2014 à Gilmore, 🎥2013 Deutsche Grammophon (incomplète)
- n° 2 : 💿 2013, 🎥 2014 à Gilmore
- opus 44 : 💿 2013
- opus 53 : 💿 2013, 💿 2010 (en récital), 🎥 2019 à Milan, 🎥 2018 à La Fenice, 🎥 chez Steinway à Hambourg en 2021 (incomplète), 🎥 Concours Chopin 2005, 🎧 Concours Chopin 2005 (source fiable: Chopin Institute)
- Polonaise-Fantaisie opus 61 : 💿 2013, 🎥 2009 à Hambourg
- opus posthume en la bémol majeur : 🎥 concert de 1999 pour la télévision polonaise (à l'âge de 14 ans)
- opus 28:
- n° 1, n° 2, n° 3, n° 4 à 6 : 💿 2007
- n° 7 : 💿 2007, 💿 2024, 🎥 Deutsche Grammophon en février 2024, 🎥 Concours Chopin 2005 3
- n° 8 à 9 : 💿 2007, 🎥 Concours Chopin 2005
- n° 10 à 12 : 💿 2007, 🎥 Tokyo sans précision de date, 🎥 Concours Chopin 2005
- n° 13 à 15 : 💿 2007, 🎥 sans précision de date ni de lieu (probable enregistrement de l'album en 2007)
- n° 16 à 19 : 💿 2007
- n° 20 : 💿 2007, 🎥 sans précision de date ni de lieu (probable enregistrement de l'album en 2007), 🎧 2014 à Gilmore (📍fiabilité de la source à confirmer: Red)
- n° 21 à 23 : 💿 2007
- n° 24 : 💿 2007,🎥 sans précision de date ni de lieu (probable enregistrement de l'album en 2007)
- opus 45 : 💿 2007
- opus posthume : 💿 2007
- opus 20 (n° 1) : 🎧 Concours 2003 à Hamamatsu (source fiable: R. Blechacz Radio)
- opus 39 (n° 3) : 🎧 2013 à Rheingau (source fiable: R. Blechacz Radio)
- opus 54 (n° 4) : 🎥 Concours Chopin 2005
- opus 34
- n° 2 : 🎥 2014 à Gilmore, 🎧 2006 à Duszniki-Zdrój (source fiable: R. Blechacz Radio)
- n° 3 : 🎧 2006 à Duszniki-Zdrój (source fiable: R. Blechacz Radio)
- opus 64
- n° 1 : 🎥 Concours 2005, 🎥 chez Steinway à Hambourg en 2021 (incomplète)
- n° 2 : 💿 2024, 🎥 Deutsche Grammophon à Berlin (Tanzsaal) en mai 2024, 🎥 Concours Chopin 2005, 🎥 chez Steinway à Hambourg en 2021 (incomplète), 🎥 2022 à Nohant, 🎥 2019 à Milan, 🎥 2008 à Verbier
- n° 3 : 🎥 Concours 2005
Variations brillantes opus 12 : 🎧 concert à Varsovie le 10/11/1998, à l'âge de 13 ans (source fiable: R. Blechacz Radio)
1. Rafał Blechacz était élève en 6ème année à l'école de musique de Bydgoszcz. C’était son premier enregistrement radiophonique, à l’occasion d’un concert donné par les gagnants des concours nationaux de musique. (YouTube: R. Blechacz Radio)
2. Rafał Blechacz le joue souvent en rappel (Corina Colbe, 2023)
3. Ce prélude a été la première oeuvre jouée par Rafał Blechacz au Concours Chopin 2005. Depuis, il le joue souvent en dernier rappel. (facebook.com/rafalblechacz/posts)
Ressources et communautés
Sites officiels
- Site Internet : blechacz.net/
- Page Facebook : facebook.com/rafalblechacz
- Compte Instagram : instagram.com/rafalblechaczofficial/
- Deutsche Grammophon : deutschegrammophon.com/de/kuenstler-innen/rafalblechacz
The Rafal Blechacz appreciation society
Playlist
Quelques photos
Récital de Rafał Blechacz à Beijing, le 23 octobre 2024 – lors de sa toute première tournée en Chine (📸国家大剧院 National Centre For The Performing Arts) |
Récital de Rafał Blechacz à La Scala de Milan, Italie, le 20 octobre 2024, en hommage à Maurizio Pollini, à la date initialement prévue pour son récital annuel (M. Pollini est décédé le 23 mars 2024 (deux photos ↑ ↓ , 📸 Ph. Brescia - Amisano © Teatro alla Scala ))
|
Autographe de Rafał Blechacz: "Thank you for being here and play the great music for the great audience" (concert du 27 septembre 2024, avec le SWR Symphonie Orchester et Katharina Wincor, à Villingen-Schwenningen, Allemagne, 📸 Kultur in VS, Franziskaner Konzerthaus, détail) |
Récital de Rafał Blechacz du 11 janvier 2024 à Toruń, Pologne (📸 Katarzyna Cegielska, détail) |
"Juste un instant avant le concert de Rafał Blechacz avec le NOSPR de Katowice" , le 3 juin 2019, Bartek Barczyk, (📸 @bartekbarczyk.art) |
L' Aube
Rafał Blechacz à onze ans (📸 Centre Paderewski à Kąśna Dolna) |
Rafał Blechacz est né le 30 juin 1985 à Nakło nad Notecia, en Cujavie-Poméranie, dans le centre-nord de la Pologne. Il a commencé à jouer du piano à l'âge de cinq ans et a poursuivi ses études à l'école de musique d'État Arthur Rubinstein à Bydgoszcz, sous la direction du professeur Jacek Polański. En 2007, il a obtenu son diplôme d'études en piano à l'Académie de musique de Bydgoszcz, dans la classe de Katarzyna Popowa-Zydroń. Pendant ses années d'études, il a remporté de nombreux prix, dont le Premier Prix et le Grand Prix du XIIIe Concours National Jean Sebastian Bach à Gorzów Wielkopolski (1996), le 2e Prix du Ve Concours International des Jeunes Pianistes "Arthur Rubinstein in Memoriam" à Bydgoszcz (2002), le 2er Prix ex-aequo au Ve Concours International de Piano à Hamamatsu au Japon (en 2003, le 1er prix n'ayant pas été décerné 1), avant de devenir lauréat du XVe Concours International de Piano Frédéric Chopin de Varsovie en 2005. 2 3
L' art de Rafał Blechacz en quelques mots
Au fil des années, les critiques et journalistes ont cherché à saisir l’essence du jeu de Rafał Blechacz. Voici une sélection d’extraits d’articles de presse internationale, révélant les qualités singulières du pianiste.
🪶Articles parus en français
"L’artiste conduit la poésie jusqu’à l’impalpable"
« Venu remplacer Murray Perahia souffrant, le jeune pianiste polonais a offert à Genève un récital éblouissant.
Depuis qu’il a raflé à 20 ans tous les prix du Concours Chopin de Varsovie en 2005, Rafal Blechacz mène une carrière discrète et sans faute. Remporter le prestigieux Gilmore Artist Award neuf ans plus tard n’est pas non plus monté à la tête du jeune Polonais. Le pianiste avance avec une rigueur, un sérieux et un perfectionnisme qui imposent le respect.
[…] Cette conscience aiguë de son art, Rafal Blechacz la traduit de la tête aux doigts. Attitude droite […], articulation précise, attaques imparables, sonorités et dynamiques finement variées: le pianiste maîtrise un jeu d’une absolue clarté.
– Une science stupéfiante du raffinement –
[…] un exemple d’équilibre et de classicisme tout à son image. […] Rafal Blechacz porte à son sommet une science stupéfiante du raffinement.
Comme un mathématicien, qui pousse sa discipline aux confins de la pensée, l’artiste conduit la poésie jusqu’à l’impalpable. Des touchers suspendus mais incarnés, des tempi lents mais toujours en mouvement, des lignes internes éclairées une à une dans une lumière d’ensemble ronde et tendre : tout est dans tout.
– Grand maître à venir –
[…] Rafal Blechacz peut tout jouer. Sa technique est brillante, sans aucune ostentation. Mais surtout, sa hauteur supérieure de jeu, son contrôle au milligramme de chaque note, son raffinement de coloriste, son génie narratif et sa palette de dynamiques, parfois dures mais toujours justes, en font déjà un maître. Un grand à venir. »
"Pureté et luminosité. Romantisme élégant sans préciosité"
« Pure et lumineuse, la partie Mozart s'inscrit dans des tons mineurs faisant surgir la dimension angoissée de l'œuvre. D'une apparente simplicité, le Rondo en la mineur (K. 511) est un modèle d'équilibre et de délicatesse : dans ces pages à l'écriture intimiste, la moindre brusquerie serait fatale. La maîtrise de Blechacz nous préserve de ce danger et nous installe dans un univers stylistique où perce déjà un certain romantisme, assumé avec élégance, mais sans préciosité. […]
[…] Dans les quatre Mazurkas de l'opus 24 de Chopin, Blechacz est indéniablement chez lui, restituant avec noblesse et simplicité l'esprit paradoxal de cette musique populaire de salon. Après ces pièces délicates, la toute-puissante Polonaise « Héroïque », jouée parfois jusqu'à la caricature, à laquelle Blechacz parvient pourtant à donner une profondeur et une force d'évocation surprenantes, en l'arrachant à la loi de la pesanteur pour interpréter une incroyable danse bondissante aux accents guerriers. »
"Incroyable maturité de jeu, ...sensibilité bouillonnante fascinant par sa spontanéité et son évidence, ...art éblouissant"
« Blechacz ne venait pas défendre que les mérites de la jeunesse, d’ailleurs, mais aussi, du haut de ses 28 ans, l’incroyable maturité de son jeu, qui ferait pâlir de jalousie plus d’un prodige, et qui fut largement récompensée lors du XVe Concours Chopin en 2005.
Il est vrai que c’est ce qui frappe dans le jeu de Rafał Blechacz. Une, cinq, dix idées musicales pour chaque note et, mieux encore, pour chaque silence — la sensibilité bouillonnante du Polonais fascine par sa spontanéité et son évidence. Ni contrastes saisissants, ni nuances grandiloquentes, ni rubatos attendus ou effets préparés : son interprétation semble relever d’une totale compréhension du discours musical, qu’on ose suivre les yeux fermés de Mozart à Chopin.
[…] Le Mozart de Blechacz nous séduit dès le premier instant. Il joue avec le piano, s’amuse avec les notes, rit avec les phrases, dessinant la mélodie, esquissant les contrastes, nous plongeant sans effort dans l’univers des salons viennois. Le génie attablé au piano déguste et dévore sa partition dans une fougueuse et insouciante liberté, rappelant furieusement l’Amadeus de Milos Forman.
[…] Associer Bach et Chopin, pourquoi n’y a-t-on pensé plus tôt ? On y a pensé plus tôt, c’est d’ailleurs Chopin lui-même qui ne manquait jamais de jouer les Préludes et Fugues avant ses concerts. Simplicité du discours, sobriété déclamatoire, refus de la surenchère : les partitas ne sont pas si éloignées des nocturnes, des préludes, des valses et des mazurkas. [...] Ce Bach intime et serein semble évident, tant le toucher et le dessin mélodique se complètent dans une juste intelligence.
Et c’est avec aisance que Rafał Blechacz enchaîne rapidement avec Chopin : la polonaise Militaire d’abord, puis celle qui lui succède dans l’opus 40. Nous doutions déjà, dans Bach, que ce fût sur scène le même pianiste que celui qui folâtrait avec gaieté dans les ornements mozartiens. Avec les premières notes de la polonaise, il est clair que c’est un autre homme : il possède le piano, fait corps avec l’instrument et la musique elle-même. Incompréhensibilité du génie : son interprétation s’impose d’elle-même dans chacun de ses aspects, et le mystère ne pourra être percé. Les reprises sont parfois piano, parfois forte ; les modulations sont parfois amenées par un rubato, parfois non ; les changements de caractère sont parfois accompagnés d’un changement de nuance, parfois non – inutile d’en chercher la raison : c’est la musique. Le son est plein et puissant mais sait se faire fin, lointain et doux. Même rondeur de timbre et précision de toucher dans le charmant Nocturne qui suit : pas de pianissimos réconfortants ni de contrastes subits, rien que la longue ligne que Rafał Blechacz maintient au sommet de son expression.
[…] et l’on est bien heureux que […] l’art éblouissant du pianiste polonais soit salué partout sur son passage, à la barbe des automates qui gagnent parfois les concours et les cœurs. »
"Polonais, Rafał Blechacz joue Chopin à la polonaise, sans maniérisme ni affectation"
« Rafal Blechacz est arrivé sur le plateau comme s'il était un peu en retard au rendez-vous. Il s'est à peine incliné devant le public et a très vite attaqué la Partita n° 3 en la mineur BWV 827, de Bach. Attaquer n'est pas le mot : le piano de Rafal Blechacz, pour incisif qu'il puisse être, n'a rien d'un clavier prédateur. C'est un piano qui cultive dans Bach un toucher de clavecin, une fluidité à la pointe sèche, un velours ras. Son discours est précis, raffiné. Il tisse des liens entre une forte présence harmonique et les fils tendus de la mélodie. Un art du canevas polyphonique. [...]
– Polonais, Rafal Blechacz joue Chopin à la polonaise –
Ballade n° 1 op. 23, Polonaises op. 26 n° 1 et n° 2 : Rafal Blechacz est au pays dès après l'entracte. Il joue Chopin tel que les Polonais le comprennent : sans maniérisme ni affectation, mais aussi sans exploit athlétique. Défilent des poids, des mesures, des paysages, des intentions. Une mosaïque de couleurs ciselées […] »
"Il prône le naturel et la juste mesure...Un coeur pur au piano, en nuances subtiles et racées"
« – Rafal Blechacz à Fribourg. Un cœur pur au piano –
Rare. Enthousiasmant. Rafal Blechacz a fait forte impression, mardi soir, à l'Aula de l'Université de Fribourg [...]. A 22 ans, ce pianiste polonais, vainqueur du Concours Chopin de Varsovie en 2005, s'avère infiniment plus musicien que nombre de collègues, dont les surmédiatisés Lang Lang et Hélène Grimaud.
C'est un garçon simple, sans prétention. Il vient d'une bourgade au centre-nord de la Pologne. [...]
Rafal Blechacz n'a rien d'une bête de scène. Il joue sans manières, prône le naturel et la juste mesure. Pressenti comme «le» nouvel interprète de Chopin, il pourrait bien être un authentique mozartien.
[…] Rafal Blechacz restitue aux Préludes de Chopin leurs mille facettes, capable d'envolées que l'on peut déceler dans son disque, mais qui se manifestent encore davantage en concert. Un cœur pur parle, en nuances subtiles et racées. »
Récital de Rafal Blechacz au Théatre des Champs-Elysées à Paris, le 6 mai 2024 (📸Damian Gruszczyński) |
🪶 Article paru en chinois
"Là où les mots s'arrêtent, la musique commence... "
[…] Rafał Blechacz entre en scène sous le regard attentif de tous, avec une allure pâle, élégante et raffinée. C’est sa première représentation en Chine, donnée dans le cadre de la 23ᵉ édition du Festival international des arts de Shanghai. […] Certains amateurs de musique classique, remplis de tendresse, considèrent qu’il ressemble étrangement à Chopin. Comment ne pas faire le parallèle ? Avec ses cheveux bouclés, ses yeux profonds et captivants, son sourire constant et ses doigts longs et fins, la ressemblance est frappante. On raconte que la technique unique de jeu de Chopin est née de sa silhouette élancée et de sa solide structure osseuse. Tout semble ainsi boucler la boucle. […]
"Se préparer à l'enchantement"
Blechacz s’assoit, les pans de son habit de concert tombant derrière lui. Face au piano, il reste silencieux un instant — lors de ses précédents concerts, il sortait souvent un mouchoir de la poche de sa veste et, doucement et rapidement, passait le tissu sur les touches, comme s’il caressait la joue d’un être cher avec une plume. Ce geste est devenu sa signature […]. En réalité, le clavier n’a pas besoin d’être dépoussiéré ; c’est plutôt une façon de se concentrer, de se préparer à l’enchantement. […] »
Conversations avec Rafał Blechacz
À travers ces entretiens, Rafał Blechacz nous invite à explorer son univers musical.
Les traductions proposées visent à refléter au mieux l'authenticité de ses paroles.
💫 Il Corriere Musicale (Le courrier musical), Monika Prusak , 21 octobre 2024
"Je suis très honoré de pouvoir faire cette "substitution posthume" de Maurizio Pollini"
[...] Nous nous approchons doucement de votre récital à Milan.[...] Il s'agit d'un concert unique dédié au grand pianiste récemment décédé, Maurizio Pollini. Quelles émotions accompagnent une telle occasion ? [...]
« [...] La seconde partie du concert est entièrement dédiée à Chopin, car Maurizio Pollini était un grand interprète de sa musique, en plus d'être le lauréat du Concours Chopin [en 1960, ndlr]. Ce choix me semble plus que naturel. Je me sens extrêmement honoré de pouvoir effectuer cette "substitution posthume" à M. Pollini. Je suis très heureux et fier de pouvoir jouer ce concert.
"Les artistes peuvent jouer un rôle important pour éveiller l'intérêt des gens envers la musique"
Je ne sais pas si vous serez d'accord pour dire que la musique "savante" traverse actuellement une certaine crise. Vous avez déjà évoqué l'importance du public, mais c'est justement le public, et en particulier les plus jeunes, qui semble moins intéressé par le répertoire classique au profit de la production commerciale. Craignez-vous que cette crise s'aggrave ? [...]
En ce qui concerne la crise, je pense qu'elle dépend de la partie du monde où l'on se trouve. Par exemple, lorsque je joue en Asie, au Japon ou en Corée, je suis toujours très surpris de voir combien de jeunes assistent aux concerts. Je serai bientôt en Chine, et j'ai entendu dire qu'il y a là-bas un énorme intérêt pour la musique classique. [...] En ce qui concerne l'Europe, dans certains endroits, je vois très peu de jeunes. Cependant, je crois que cela dépend aussi d'une certaine approche de l'éducation musicale. Je pense que les artistes peuvent jouer un rôle important à cet égard, pour éveiller l'intérêt des gens envers la musique.
Ces dernières années, j'ai commencé à donner des conférences sur la musique. J'ai décidé de donner des concerts dans les écoles de mon pays, dans les petites villes, afin qu'en jouant un répertoire spécifique, je puisse aussi en parler et que les jeunes puissent connaître la musique de manière plus approfondie. [...]
"Ce qui est fondamental dans la musique : l'idée de partager la beauté avec les autres"
Il est également très important de sélectionner les bonnes personnes qui, d'une certaine manière, "gèrent" la carrière, car nous savons que nous, les artistes, ne pouvons pas nous occuper de tous les détails. Il est évident qu'il faut organiser des concerts, et confier cette tâche à quelqu'un. Et c'est agréable de trouver les bonnes personnes qui ont aussi une passion pour la musique, car ainsi nous évitons diverses difficultés, y compris les dangers de la commercialisation. Il est bien connu que la promotion des concerts d'un artiste est indispensable dans le monde moderne et dans les médias modernes, mais cela ne devrait jamais occulter ce qui est fondamental dans la musique : le message artistique, l'idée de partager la beauté avec les autres. Pour cette raison, il faut veiller à ne pas perdre cet amour, et à prendre soin en permanence du développement de sa propre personnalité. »
"Ces concerts en espaces plus petits et intimes donnent la sensation d’une plus grande proximité avec le public. On peut mieux imaginer ce que ressentait par exemple Chopin"
[...] L’artiste a donné des concerts en Basse-Silésie, dans des lieux où l’on entend rarement des artistes de cette envergure. Rafał Blechacz s’est produit aussi bien dans des stations thermales renommées que dans des salles communales. Comme il l’a souligné, ce fut une expérience extraordinaire pour lui.
« Au quotidien, je joue dans de grandes salles de concert, mais ces concerts en espaces plus petits et intimes donnent la sensation d’une plus grande proximité avec le public. On peut mieux imaginer ce que ressentait par exemple Chopin, jouant dans des concerts si intimes, entouré de spectateurs qui étaient assis tout près de lui et admiraient son jeu.
"Une attention totale, un respect, une envie de comprendre cette musique et de s’immerger dans l’univers que je créais à ce moment-là"
Ce cycle de concerts intimistes dans de petites localités est, selon le pianiste, un projet très important, car de nombreuses personnes ont l’opportunité d’assister pour la première fois à de la musique classique en direct. [...] Rafał Blechacz a souligné que, bien qu’il ait joué dans de petites villes de Basse-Silésie [notamment à Polanica et à Szczawno-Zdrój], le public qui est venu à ses concerts savait parfaitement comment se comporter.
Il n’y a pas eu d’applaudissements entre les mouvements de la sonate, ce qui est remarquable et louable, car parfois même au Musikverein de Vienne, j’ai entendu des applaudissements après le premier mouvement du Concerto de Beethoven. Ici, en revanche, il y avait une attention totale, un respect, une envie de comprendre cette musique et de s’immerger dans l’univers que je créais à ce moment-là." [...] »
💫 Polonorama, Marzena Mavridis, 26 novembre 2023
"Une interprétation d'une œuvre donnée ne révèle pas toute sa profondeur, toute sa richesse. Il faut plus de temps pour en expérimenter toute la beauté et la partager"
Après de nombreuses années d’une carrière de rêve, vous vous êtes demandé quels sentiments suscite en vous l'interprétation du Concerto de Chopin ?
« Cela suscite toujours de très grandes émotions. Les Concertos en mi mineur et en fa mineur m'accompagnent tout au long de ma vie. Bien sûr, il y a des périodes où je m'éloigne de ce répertoire – alors je joue d'autres œuvres, mais ces retours sont toujours des moments magnifiques. Je me rends compte, bien qu'il semble que je connaisse très bien ces œuvres, que, de temps en temps, je découvre de nouveaux détails que j'aimerais partager lors des concerts suivants. Et c'est beau, car cela me rappelle à quel point nous avons affaire à un génie immense en la personne de Chopin. Une interprétation d'une œuvre donnée ne révèle pas toute sa profondeur, toute sa richesse. Il faut plus de temps pour en expérimenter toute la beauté et la partager.
"Lorsque nous entendons une œuvre de Chopin, même une personne qui n'est pas fortement liée à la musique classique peut immédiatement dire : oui, c'est Chopin"
Qu'est-ce que la musique de Chopin représente pour vous, qu'est-ce qui vous touche chez lui ?
Je me suis un jour demandé comment définir ce style unique de Chopin. Il y a quelque chose de particulier : lorsque nous entendons une œuvre de Chopin, même une personne qui n'est pas fortement liée à la musique classique peut immédiatement dire : oui, c'est Chopin. C'est cette combinaison exceptionnelle d'harmonie et de mélodie, d'une manière extrêmement poétique. C'est peut-être cette poésie chez Chopin qui ressort immédiatement et nous touche profondément. Je suis aussi conscient que Chopin a été fortement inspiré par la musique folklorique et la musique opératique, les belles lignes mélodiques du bel canto, les influences de l'opéra de Mozart. Mais effectivement, Frédéric Chopin a créé son propre style absolument unique, qui ne nécessite peut-être pas vraiment de définition, mais qui doit simplement nous émerveiller. Je suis heureux de pouvoir, après le Concours Chopin, partager sa musique avec le monde entier.
"En ce qui concerne la musique de Chopin, son style est une sorte de sacralité qu'on ne doit pas détruire"
Cela signifie-t-il que vos interprétations des œuvres varient à chaque fois pendant les préparatifs d'un concert ?
[…] Il est essentiel de respecter le style du compositeur, de préserver le style de Chopin, afin de ne pas se perdre dans ce que certains appellent la "liberté artistique", mais de toujours garder le compositeur et ses intentions au premier plan. On peut, dans ce cadre, exprimer ses émotions, mais en ce qui concerne la musique de Chopin, son style est une sorte de sacralité qu'on ne doit pas détruire.
[...] votre approche de certaines œuvres change-t-elle et évolue-t-elle à chaque étape de votre vie ?
C'est une évolution, un développement. […] C’est une belle histoire, nous pouvons l’enrichir de nouvelles expériences qui ont eu lieu dans notre vie et qui nous enrichissent émotionnellement. […]
Est-ce que votre doctorat en philosophie a influencé votre approche de certaines œuvres, et dans quelle mesure la musique et la philosophie sont-elles liées pour vous ?
Cela se connecte assez fortement, surtout si vous traitez d’un domaine aussi spécial que la philosophie de la musique. C’est une sorte de point de rencontre à la frontière de la musicologie et de la philosophie. Il y a beaucoup de publications intéressantes, de livres de différentes périodes, qui traitent de la musique d’un point de vue philosophique, d’une expérience esthétique. Nous avons également d’excellents philosophes polonais qui traitent de ces sujets – par exemple, Roman Ingarden ou des textes de Zofia Lissa. […] Mais ma première fascination a été la philosophie en général, l’histoire de la philosophie. Cela a commencé avec l’Antiquité et cet intérêt a été grandement influencé par mon professeur de polonais au lycée, qui a donné un aperçu philosophique très riche de l’époque dont nous discutions pratiquement dans chaque cours de langue polonaise. Cela m’a rendu très curieux et j’ai voulu développer cet intérêt. Ensuite, il y a eu des concours, le Concours Chopin, des concerts, et ce n’est qu’après un certain temps, en 2009, 2010, que j’ai pu approfondir un peu plus [...].
"Le public prend aussi une part active dans la création de l'interprétation qui existe à ce moment-là, ici et maintenant"
[…] Chaque personne arrive à un moment de sa vie où elle pose des questions plus profondes : d'où venons-nous, où allons-nous, des questions sur notre existence, donc, d'une certaine manière, c'est inévitable. [...] Le texte sur l'expérience esthétique m'a fait prendre conscience que le public prend aussi une part active dans la création de l'interprétation qui existe à ce moment-là, ici et maintenant – ce sont des choses importantes.
Compte tenu des divers niveaux de culture dans le monde, quel public vous surprend le plus ? Quelles réactions du public vous ont le plus étonné jusqu'à présent ? [...]
[...] Chaque public est unique dans un pays donné. Par exemple, le public allemand est assez concentré ; il faut le convaincre avec ses interprétations. C'est un public raffiné, mais une fois convaincu, il peut réagir avec un enthousiasme exceptionnel, récompensant généreusement un concert ou un artiste. Le public néerlandais est un peu plus chaleureux que le public allemand, bien qu'il puisse aussi y avoir des surprises. Ils font volontiers des standing ovations, parfois même en plein concert. Le public italien, quant à lui, est très vif, parfois même pendant l'interprétation. Ils peuvent applaudir ou crier "bravo", un peu comme à l'opéra après une aria. Une fois, j'ai été surpris par une situation où je n'avais même pas terminé une pièce – il y avait un silence prolongé, et les applaudissements ont éclaté. C'était dans un théâtre à Bari, il y a quelques années. [...]
En novembre dernier, vous avez été juré au concours Paderewski. Comment votre expérience dans divers concours a-t-elle influencé votre évaluation de vos pairs ?
C'était ma première expérience de ce genre. Je pense que pour l'instant, je ne vais pas poursuivre dans cette voie. Il est très difficile de juger, de comparer les interprétations, d'évaluer ses collègues. Ce n'est pas un chemin que je veux suivre. Bien sûr, les concours sont nécessaires et offrent des opportunités de carrière aux jeunes artistes, mais je ne suis pas forcément la personne qui doit évaluer mes pairs (rires). [...]
"Certains me demandent si je voudrais enregistrer un album regroupant toutes les œuvres de Chopin. Peut-être que oui... Je réfléchis sérieusement à enregistrer l'intégralité des Mazurkas"
Pouvez-vous nous dévoiler vos projets pour l'avenir de votre carrière musicale ?
J'ai des projets pour enregistrer un nouvel album avec un orchestre, car jusqu'à présent, je n'ai enregistré qu'un seul album de ce type, avec les concertos de Chopin. Je me suis surtout concentré sur des œuvres pour piano solo. Maintenant, je voudrais réaliser un second enregistrement avec orchestre, comprenant des concertos de Beethoven et Mozart. Certains me demandent si je voudrais enregistrer un album regroupant toutes les œuvres de Chopin. Peut-être que oui. Récemment, j'ai enregistré deux sonates, et je réfléchis sérieusement à enregistrer l'intégralité des Mazurkas de Chopin. Ce serait un projet de grande envergure, donc j'ai beaucoup, beaucoup de projets (rires).
Qu'aimez-vous faire et qu'est-ce qui nourrit votre inspiration ?
Les voyages. Bien que, dans le cadre professionnel – même si pour moi, la musique est bien plus qu'une simple profession – il n'est pas toujours possible de profiter des voyages, car on est très concentré sur la musique et sur la performance. Mais parfois, il y a des opportunités, comme aujourd'hui ou lors de précédents séjours au Japon, où l'on a deux ou trois jours après un concert dans des lieux fascinants comme Athènes. Dans ces moments-là, on peut apprécier la vie et trouver de l'inspiration dans d'autres formes d'art.»
💫 Twój Styl (Ton Style), 2 août 2023, Anna Rączkowska
"Quand j’ai appris le Nocturne en si majeur de Chopin, j’ai réalisé que je préférais être pianiste plutôt qu’organiste"
[...] Quand avez-vous joué la première pièce de Chopin ?
« J’avais 10 ans. En 1996, j’ai participé à un concours de piano pour enfants à Gorzów et là, le nocturne était la pièce obligatoire – je l’ai préparé pour la première étape. [...]
Quand j’ai appris le Nocturne en si majeur [opus 32 n°1], j’ai réalisé que je préférais être pianiste plutôt qu’organiste. (ce qui était mon rêve d'enfant; voir également l'entretien avec Damian Gruszczyński du 28 janvier 2023) [...]
"La musique de Chopin est une combinaison unique de poésie et d’harmonie. Avec lui, tout est équilibré"
Votre prochain album avec des œuvres de Chopin enregistrées pour Deutsche Grammophon vient de sortir. Qu’est-ce qui vous captive dans sa musique ?
Pour moi, c’est une combinaison unique de poésie et d’harmonie. Avec lui, tout est équilibré – rythme, couleur, dynamique. Rien ne prévaut, tout fonctionne ensemble dans des proportions telles que tout changement perturberait la structure. Comme dans le livre de Bach – changer une note gâcherait tout. Cela rend la musique de Chopin parfaite. Mathématique, mais aussi poétique. C’est peut-être pour cela qu’il est si attrayant et reconnaissable. Même pour quelqu’un qui n’est pas familier avec la musique classique. C’est probablement le plus grand génie de ce compositeur.
"Quand j’ai commencé à jouer plus de Chopin, j’ai réalisé que c’était le langage le plus approprié, grâce auquel je pouvais probablement m’exprimer pleinement"
Est-il votre créateur préféré ?
Maintenant, oui, même si je n’en étais pas conscient depuis le début. J’ai commencé par Bach, puis il y a eu l’époque de Mozart, Beethoven et Haydn, mais quand j’ai commencé à jouer plus de Chopin, j’ai réalisé que c’était le langage le plus approprié, grâce auquel je pouvais probablement m’exprimer pleinement. Et il en est ainsi à ce jour. [...]
"Je me rappelle la finale, mon dernier passage et les applaudissements qui ont éclaté avant même que l'orchestre ait terminé. Des moments magnifiques."
L’expérience d'un concours est-elle si marquante que vous vous en souvenez constamment ? Ou peut-être préfèrez vous ne pas y penser ?
Aujourd’hui, lorsqu’un pianiste joue les deux dernières pages du Concerto en mi mineur de Chopin, je me rappelle la finale, mon dernier passage et les applaudissements qui ont éclaté avant même que l'orchestre ait terminé. Des moments magnifiques. Je ne veux pas m'en éloigner, je préfère les garder dans mon cœur.»
💫 Luzerner Zeitung (Journal de Lucerne), Corina Kolbe, 29 mars 2023
"Chopin est devenu une sorte de compagnon de vie pour moi. Dans sa musique, je suis complètement moi-même."
[…] Le fait qu’il cherche inlassablement des vérités plus profondes semble tout aussi inhabituel à notre époque trépidante que son cercle constant autour d’une étoile fixe musicale.
« Chopin est devenu une sorte de compagnon de vie pour moi », admet-il. « Dans sa musique, je suis complètement moi-même. »
[...] Sur le CD ["Chopin", mars 2023], Blechacz combine cette sonate avec le Nocturne op. 48/2, qu’il joue souvent en rappel en concert.
Chopin nous offre un large éventail d’états émotionnels très différents – mélancolie, tristesse, joie, énergie exubérante. [...] L’opéra a toujours été une source d’inspiration pour Chopin, et je veux que cela soit clair dans mon jeu. »
💫 Rzeczpospolita (République), Jacek Marczyński, 2 mars 2023
" J’ai senti que quelque chose de magique et de profond avait été créé"
[...] Ce genre d’expérience [métaphysique] est probablement plus facile à réaliser dans l’atmosphère d’une salle de concert, lorsque vous n’avez plus l’impression que jouer est un travail physique, et que vous et le public êtes complètement submergés par la musique.
« Cela arrive, mais cela ne peut pas être planifié. Le silence joue également un rôle très important. Une fois, à Hambourg, j’ai joué les Mazurkas op. 17. Dans la dernière, l’accord final pianissimo se transforme en silence. C’était tellement long que j’ai eu l’impression qu’il appartenait à la chanson. J’ai senti que quelque chose de magique et de profond avait été créé. [...]»
"Pour être chopiniste, il faut avant tout écouter attentivement son coeur"
« Je ne peux pas imaginer le monde, je ne peux pas imaginer la vie sans la musique de Chopin, sans le piano et en général sans musique. Ce serait un cauchemar.
Pour être chopiniste, il faut avant tout écouter attentivement son coeur, et cela vous mènera dans la musique de Chopin. Maintenant, tous ces endroits, Paris, Żelazowa Wola, Brochów...etc, valent évidemment la peine d’être visités. Je pense qu’il est naturel que tous ceux qui interprètent Chopin et aiment cette musique aient envie de visiter ces lieux. Ils sont une inspiration particulière. Elargir vos connaissances sur un style particulier, un compositeur particulier, tout cela est certainement très important, très utile. Pourtant, vous devez écouter votre coeur, cette intuition, car elle offre de bons indices. […] Mon intuition a ensuite trouvé confirmation dans une lettre de Chopin que j’ai lue, ou dans un article musicologique, ou ailleurs. C’est pourquoi je crois que c’est le chemin de base, la clé fondamentale pour construire cette interprétation individuelle, mais dans l’esprit du compositeur. Cette intuition particulière, le coeur, être naturel, être sincère dans tout cela. Emotionnellement sincère, évidemment. […]
"J’aime la musique de Frédéric Chopin, sa silhouette, sa personnalité"
J’aime la musique de Frédéric Chopin, sa silhouette, sa personnalité, que l’on peut peut-être le plus fidèlement glaner dans son art, ses œuvres, sa façon belle et spécifique de tisser les sons que je trouve si proches. J’ai toujours ressenti une aura d’exception lorsque je me suis tourné vers les œuvres de Chopin.
J’ai simplement senti que cette musique me tenait à coeur et à ma personnalité. Je crois que le concours Chopin de 2005 l’a prouvé, et laissez-moi vous dire que je serai un être humain parfaitement heureux, un artiste heureux, si cette aventure avec Frédéric Chopin se déroule d’une manière aussi extraordinaire, et si j’ai l’honneur d’interpréter ses morceaux et partager la beauté de sa musique jusqu’à la fin de mes jours.»
"Dans mon travail d'interprétation, il n'y a jamais eu de calcul, tout se passe naturellement"
Qu'est-ce que la musique selon Rafał Blechacz?
« [...] Dans mon travail d'interprétation, il n'y a jamais eu de calcul, tout se passe naturellement. En particulier avec Chopin, j'ai toujours ressenti que c'était ma musique, que je m'y trouvais comme chez moi. Il y a des jours où je me sens plus classique dans Chopin, et d'autres où je navigue de manière romantique.
Ne pensez-vous pas qu'en Pologne, on a fait du tort à la musique de Chopin en répétant depuis des décennies, comme Gombrowicz, "que Chopin était un grand compositeur"?
Vous voulez dire en faisant de lui un monument par définition, sans nécessairement approfondir sa musique?
Exactement.
Il y a de ça [...]. Je pense que c'est aussi un problème d'éducation musicale dans notre pays, qui est insuffisante, pour le dire gentiment, voire inexistante. Il faut s'émerveiller de la musique elle-même, mais aussi apprendre certaines choses. [...] Si nous n'avons pas certaines bases, nous ne pourrons pas vraiment l'apprécier et la comprendre pleinement. […]»
"Je rêvais de devenir organiste"
A quel âge avez-vous commencé ?
« J'avais environ 4 ou 5 ans. Chez mes parents, il y avait un piano allemand fabriqué par Sommerfeld. J’ai imaginé ce piano comme une sorte d’orgue d’église, d'orgue à tuyaux. Mes premières fascinations musicales ont été sans rapport avec le piano à queue, mais l’orgue à l’église. Je rêvais de devenir organiste, mais cela n'a pas pu se concrétiser... (rires).J’ai commencé à apprendre le piano au centre de musique à Nakło, où je suis né. Ensuite, j'ai poursuivi ma formation à l'école de musique professionnelle de Bydgoszcz.Le piano et la musique de Bach étaient au centre de mon apprentissage. Bach a joué un rôle de pont entre la musique d’orgue et le piano. Notre éducation musicale commence par Bach. Et c’est une bonne chose que j’aie commencé avec Bach, car mon amour de la musique pour piano s’est intensifié, semaine après semaine.Et quand j’ai commencé à chercher les pièces de Frédéric Chopin, la première composition que j’ai interprétée était le Nocturne opus 32 [en si majeur, n° 1], et j’avais envie de développer encore davantage cette tendance Chopin. Plus tard j’ai décidé que c’était ma véritable manière de décrire et de raconter la beauté de la musique avec des sons.[…] Jouer de l’orgue a grandement enrichi mon sens du legato.[...]
J’aimerais également mentionner Arthur Rubinstein
Le patron de mon école à Bydgoszcz
Et vous avez remporté le 2e prix au Concours de piano Arthur Rubinstein in Memoriam en 2002.
Oui en 2002. Et au Concours international de piano de Hamamatsu en 2003, le premier prix n’a pas été décerné. J’ai eu un ex aequo. Il y a eu deux deuxièmes prix et il m’a été attribué avec le pianiste russe Alexandre Kobryn. […] C’est à ce moment-là que j’ai eu ma première grande compétition internationale, ma première visite au Japon, beaucoup de nouvelles expériences. Et ce fut pour moi une compétition heureuse. Les concurrents étaient très forts et le répertoire immense. Il y avait quatre étapes. Le concours a duré plus de trois semaines, j’avais donc ce sens du devoir et du travail bien fait.
"C’est bien plus qu’un travail ou une profession. D’une certaine manière c’est une sorte de mission"
C’est ce que je voulais demander : à quoi ressemble l’enfance d’une personne qui accomplit tant de choses ? Parce que la perception générale est que cela est lourd de corvées.
Je n’aime pas le mot corvée. C’est du travail. Travail systématique. […] Et pour moi, c’est bien plus qu’un travail ou une profession. D’une certaine manière c’est une sorte de mission, je dirais.[…]
[...] Je l’ai déjà mentionné auparavant, j’avais ma propre stratégie lors du Concours Chopin. C’était une stratégie un peu égoïste de me concentrer entièrement sur mon programme, sur moi-même, mes sentiments et mes émotions. Et une séparation complète de l’ambiance de compétition, et donc des journaliste et des médias comme la radio ou la télévision. Je n’ai pas lu les journaux, je n’ai pas écouté la radio. Tout cela pour être très plongé dans la musique. Dans mon programme et mes idées que j’ai développés au cours des mois et des années précédentes, comme ces préparations ont eu lieu relativement tôt, en fait, après avoir remporté le concours dont nous avons parlé à Hamamatsu, j’ai voulu que cela fonctionne. D’après mon expérience j’ai senti que ce serait une bonne stratégie qui fonctionnerait pour moi, sans écouter les autres participants, sans suggérer la performance de qui que ce soit. Et en fait, cela a fonctionné. […]
Oui, j’attendais avec mes parents et mon professeur. […] Krystian Zimerman m’a écrit une lettre de félicitations, disant qu’à partir de maintenant, je diviserais ma vie entre celle d’avant et celle d’après la compétition. Et il avait raison. Ce n’est pas que je sois influencé d’une manière ou d’une autre par cette lettre, mais par l’énormité des différents évènements, des choses, de nouvelles personnes et de nouvelles histoires. […]
"Le rang d’une œuvre musicale se mesure à la multiplicité de ses interprétations sensées"
Lequel des gagnants [ du Concours Chopin ]est pour vous un modèle ? Peut-être qu’il y en a plusieurs ?
[...] Le Pr Stróżewski a dit un jour que le rang d’une œuvre musicale se mesure à la multiplicité de ses interprétations sensées. Une œuvre musicale ne se résume pas à une seule interprétation, elle peut avoir une infinité d’interprétations, mais elles doivent être sensées.[...] Comment dire laquelle est plus judicieuce que l’autre ?[...]
Qui indiqueriez-vous alors ?
Krystian Zimerman, Martha Argerich, Maurizio Pollini.
Et quelques particularités de chacun d’eux ?
Ils sont complètement différents, mais tous fascinent. Mais aussi de nombreux autres gagnants de ce concours. De belles Mazurkas jouées par Fou Ts’ong, Adam Harasiewicz et son beau genre de style Chopin doré. Ainsi vous pouvez facilement vous inspirer de différentes choses et de différentes interprétations. Désigner un seul homme, un seul artiste est une voie très risquée.
"Après un concert, je n'arrive pas à m'endormir"
[…] Je ne sais pas si nos téléspectateurs le savent, mais Rafał très souvent ne veut pas rester après le concert à l’endroit où se déroulait ce concert et il revient.
Tout simplement parce que ce serait une perte de temps, car je n’arrive généralement pas à dormir après. Le niveau d’adrénaline est assez élevé alors j’essaie d’utiliser ce temps pour voyager. Je prends le volant et je continue. […]
D’où vous est venue cette idée ?
C’est une idée élaborée, juste comme ça. J’ai eu quelques nuits blanches après le concert, que j’ai trouvées inutiles. Je m’endors après quatre heures du matin, alors que dois-je faire ? Je peux rattraper mon retard de courrier, certains retards liés à des problèmes de gestion, mais après le concert, je n’ai pas toujours envie de m’asseoir devant l’ordinateur. Pendant ce temps, se concentrer sur la route et sur la conduite est un moment de détente.
On dit que c’est une sorte de méditation
Je ne suis pas sûr, j’essaie plutôt d’être ici et maintenant en conduisant, et de ne plus analyser ce qui se passe sur scène.
C’est votre façon de vous isoler
Pour me retirer, m’apaiser, égaliser mon niveau d’émotions assez élevé lors des concerts. C’est comme ça que ça se passe, et ça marche pour moi, même si j’ai choisi plus souvent les avions après la pandémie. […]
"Les Préludes sont toujours au début"
Avez-vous déjà oublié un morceau lors d’un concert ?
Heureusement, pas encore , et j’espère que cela n’arrivera jamais. […]
[...] Nous avons évoqué la lettre de félicitations de Krystian Zimerman. Quels enregistrements vous a t-il proposé ?
[...] Il s’est dit fasciné par les six Préludes que j’ai interprétés au Concours Chopin lors de la première étape. J’ai débuté le Concours par le Prélude opus 28 n° 7, et j’ai joué les suivants jusqu'au sol dièse mineur [n° 12]. Krystian Zimerman a donc suggéré qu’il pourrait être intéressant d’aborder ces Préludes, de les préparer tous, et de se lancer dans une carrière internationale en commençant par le début, par les Préludes, car, comme il l'a dit : "les Préludes sont toujours au début". J’ai aimé l’idée. Je les ai préparés et je les ai joués lors de divers concerts, on peut dire partout dans le monde, en Europe, en Amérique, et en Asie. Je me suis senti à l’aise dans ce cycle et j’ai décidé que deux ans après le Concours, j’enregistrerais ce matériel au studio d’enregistrement de Hambourg. C'est ainsi qu'est né le premier album. [...]
Disque d’or, immédiatement après quelques heures
C’était une sorte de réussite. Le premier album du lauréat polonais. [...]»
💫 ぶらあぼ (Bravo), Haruka Kosaka, 6 décembre 2022
"Je pense que ma mission est de transmettre, à travers la musique, de la bienveillance et de l’amour envers les autres."
Être une bonne personne. Je veux être une personne bienveillante et respectueuse envers toutes les personnes que je rencontre. L’humanité est la chose la plus importante.
Pour moi, il est extrêmement important de partager la beauté de la musique avec les autres, de partager mon amour pour la musique. La musique est ma vie. Ce n’est pas simplement un travail pour moi, c’est bien plus que cela. Je pense que ma mission est de transmettre, à travers la musique, de la bienveillance et de l’amour envers les autres.
"Il n’est pas nécessaire d’être polonais pour pouvoir bien jouer Chopin. Le plus important n’est pas la nationalité, mais la sensibilité"
Oui, je suis très fier de Chopin et en tant que Polonais, je suis fier de l’affronter. Parfois, il m’est plus facile de comprendre le style musical de Chopin – surtout lorsque je joue des Mazurkas ou des Polonaises, il y a beaucoup de détails caractéristiques des danses polonaises, ainsi que dans les concertos, le dernier mouvement du Concerto pour piano n° 2 est une danse typique de Cracovie. La musique folklorique polonaise est une grande source d’inspiration pour Chopin. Mais en général, il n’est pas nécessaire d’être polonais pour pouvoir bien jouer cette musique, il y a beaucoup d’artistes qui jouent bien Chopin, ils ne sont pas Polonais et pourtant ils le sentent, ils comprennent le style même dans les polonaises et les mazurkas. Le plus important n’est pas la nationalité, mais la sensibilité [...]
"Le Concerto en mi mineur de Chopin, en particulier le troisième mouvement me rappelle toujours le Concours Chopin"
« Le finale du Concerto en mi mineur n’est pas oublié. […] le Concerto en mi mineur de Chopin, en particulier le troisième mouvement – les deux dernières pages – me rappelle toujours le Concours Chopin. […]»
"J'ai été influencé par Rubinstein, pour son rubato très naturel qui vient du cœur"
« Oui, par Rubinstein, pour son rubato très naturel qui vient du cœur ; par Michelangeli, qui fit preuve, dans Beethoven, Scarlatti et les Préludes de Debussy, d'un équilibre idéal entre intelligence et émotion ; enfin, par Paderewski, pour sa sonorité et son phrasé très naturels. Parmi les vivants, j'ai aimé rencontrer Maurizio Pollini et András Schiff. Pouvoir discuter avec des musiciens de ce niveau est enrichissant.
"Il faut garder le style du compositeur. Sinon, autant composer soi-même"
Croire en Dieu m'aide beaucoup dans mon art. Je cherche l'heure de la messe sur Internet, même quand je suis au Japon. Par ailleurs, je fais beaucoup de jogging et j'évite l'avion, trop déshumanisant. Je préfère conduire d'un concert à l'autre. Je m'intéresse beaucoup à la phénoménologie husserlienne, et participe à des séminaires sur les limites et la liberté de l'interprétation musicale. Je pense que l'artiste doit respecter les intentions du compositeur et trouver un espace qui lui permette d'exprimer également sa propre sensibilité. Notre jeu change en permanence, selon notre humeur. Mais il faut garder le style du compositeur. Sinon, autant composer soi-même.»
Rafał Blechacz interprète le Finale (IV) de la Sonate opus 58 (n° 3), Tanzsaal an der Panke, Berlin, 2023
Commentaires
Enregistrer un commentaire
Vous laisseriez-vous inspirer par votre clavier, comme Chopin, en laissant un message? Vos réactions enrichissent ce blog: