Publié le :  décembre 22, 2023,  par

Un nouveau professeur, et des talents insoupçonnés (📖 5)

Dernière mise à jour : 15 avril 2025


     En 1821, à l'âge de onze ans, Frédéric Chopin compose une Polonaise en la bémol majeur qu'il dédie à son professeur Wojciech Żywny et lui offre le jour de sa fête, le 23 avril (WN 3, KK IVa/2, B 5, première édition posthume en 1901). Cette pièce reflète la fascination du jeune compositeur pour le style brillant alors en vogue, caractérisé par une écriture pianistique riche et virtuose 1.

Manuscrit autographe de la Polonaise en la bémol majeur, Opus posthume, page de titre: "Polonaise pour le Piano Forté composée et dédiée à Monsieur Zywny par son élève Frederyk Chopin à Varsovie ce 23 avril 1821"
Manuscrit autographe de la Polonaise en la bémol majeur, Opus posthume, page de titre: "Polonaise pour le Piano Forté composée et dédiée à Monsieur Zywny par son élève Frederyk Chopin à Varsovie ce 23 avril 1821" (📸 polish.musicsources.pl)

Manuscrit autographe de la Polonaise en la bémol majeur, Opus posthume, page 1
Manuscrit autographe de la Polonaise en la bémol majeur, Opus posthume, page 1 (📸 polish.musicsources.pl)


fresque murale représentant la Polonaise
Fresque murale représentant la Polonaise en la bémol majeur, Opus posthume, près du Musée Frédéric Chopin de Varsovie ( 📸 Françoise Kryer, détail)

extrait de partition
nifc.pl

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 Anatol Ugorski interprète la Polonaise en la bémol majeur, Opus posthume 

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L'année suivante, en 1822, Frédéric, n’ayant plus grand-chose à apprendre de Żywny, commence à suivre les leçons d'harmonie et de contrepoint 2 du compositeur Józef Elsner, d'abord en privé, puis au Conservatoire 3 qu’il a lui-même fondé, et dont il assure la direction. Il admire Haydn, et plus encore Mozart, auquel il accorde une place de choix dans son enseignement.4

Le pianiste et compositeur Wilhelm Waclaw Würfel, enseignant le piano et l’orgue au Conservatoire, prodigue à Frédéric des cours d’orgue, et lui fait connaître les oeuvres contemporaines écrites dans le récent style brillant, créées par des compositeurs tels que Hummel, Field, Kalkbrenner, Weber, Moscheles, CzernyCe style, mêlant jeu virtuose, riches ornementations et jovialité, tout en offrant des moments romantiques, enthousiasme le jeune Frédéric.

En 1823, Frédéric retrouve, après plusieurs années, le contact avec la scène et le public, en participant à deux concerts appelés Soirées musicales, organisés par la Société de Bienfaisance de Varsovie, qui rencontrent un vif succès. 

Bâtiment de la Société de Bienfaisance de Varsovie

Bâtiment de la Société de Bienfaisance de Varsovie (Gmach warszawskiego Towarzystwa dobroczynosći) en 1839, par Ksawery Pillati (📸 Muzeum Fryderyka Chopina)

 
Le bâtiment où se déroulèrent ces deux concerts, situé au 62, rue du Faubourg de Cracovie (Krakowskie Przedmieście), existe encore aujourd’hui. Actuellement, il fait partie du centre caritatif Caritas de l’archidiocèse de Varsovie. Endommagé en 1944 lors de L’Insurrection de Varsovie contre les troupes allemandes, il fut reconstruit en 1949. Sur sa façade figure l’inscription Res Sacra Miser, signifiant «les pauvres sont sacrés», apposée par les Soeurs de la Charité en 1819. 5 6

"Nous n'allons certainement pas envier à Vienne Mr Liszt, notre capitale en effet possède quelqu'un qui lui est égal"

La soirée du 24 février 1823 est relatée par le Courrier du Beau Sexe

« De l'avis général, cette soirée l'emporta sur les autres: […] non seulement les oeuvres interprétées - bien choisies - charmèrent les auditeurs qui eurent, en outre, le loisir de découvrir un talent qui, tant par sa perfection que par le jeune âge de l'interprète, suscita un étonnement général et mérita notre attention à tous égards. […] Nous pouvons affirmer sans crainte que nous n'avons jamais entendu dans notre capitale un virtuose qui, à un âge si tendre, surmontât des difficultés considérables avec une telle facilité et précision (...); en un mot, qui, à son âge, poussât un talent si beau à une telle perfection. […] Nous n'allons certainement pas envier à Vienne Monsieur Liszt [d'un an son cadet, et qui suscitait l'admiration en Europe], notre capitale en effet possède quelqu'un qui lui est égal, et peut-être même supérieur, en la personne de monsieur Chopin - car nous ne voyons pas pourquoi nous devrions taire le nom du jeune homme qui reçoit des louanges si unanimes. 7  »

Durant l'été de cette même année, invités par les Skarbek à Żelazowa Wola, les Chopin y passent l’été. A treize ans, Frédéric redécouvre le lieu de sa naissance, qu’il avait quitté alors qu’il n’était qu’un nourrisson.

Le manoir de Żelazowa Wola

Le manoir de Żelazowa Wola, Maison natale de F. Chopin, (📸 Françoise Krier, fykmag.com)



En septembre 1823, il entre en quatrième au lycée de Varsovie, après avoir reçu une éducation générale à domicile sous la direction de son père et de son précepteur, Antoni BarcińskiSamuel Bogumił Linde, le recteur du lycée, éprouve une grande affection pour Frédéric, qui le lui rend bien. C'est à l'épouse de M. Linde qu'il dédiera plus tard son Rondo Opus 1. 

Outre son ami plus âgé Jan Białobłocki, qui entre en 1823 à la faculté de droit et d'administration de Varsovie, ses amis de l'époque, la plupart pensionnaires chez ses parents, et qui lui resteront fidèles, sont Tytus Woyciechowski, Jan Matuszyński, Julian Fontana et Wilhelm Kolberg. Tous apprécient son tempérament gai, son humour et ses dons pour la caricature.


Caricature du recteur du lycée

Frédéric possède en effet un sens de l'humour, voire du ridicule, remarquable. Son esprit irrévérencieux et son don aigu pour la caricature et l'imitation le rendent rapidement célèbre. Sa maîtrise de la parodie est telle que, lorsqu'il imite l'un de ses professeurs du lycée, il devient méconnaissable. Il dessine également des caricatures de ses professeurs, entre autres du recteur Linde, qui, un jour le surprend pendant son cours. Cependant, le recteur rend le dessin au garçon confus en lui disant : 

« Bon, ce n'est pas mal fait ! » 
 
Un article dédié aux caricatures de F. Chopin est accessible en suivant ce lien: Caricatures.


Dessin d'un moulin, de la main de F. Chopin, 1823

Dessin d'un moulin, de la main de F. Chopin, 1823 (📸 Mirosław Krajewski: Dobrzyńskie listy Fryderyka F. Chopinalettres de Dobrzyń, page 11)

Emplacement du domicile de F. Chopin (Palais de Kazimierz) et de la Société de Bienfaisance
Emplacement du domicile de F. Chopin (Palais de Kazimierz) et de la Société de Bienfaisance, à Varsovie (La Pologne et les voyages de F. Chopin – Google My Maps)



1. Institut National Frédéric Chopin (Narodowy Instytut Fryderyka Chopina): Polonaise in A flat major
2. Caritasaw.pl : Chapelle Res Sacra Miser
3.4.5. Jean-Jacques Eigeldinger: L’univers musical de Chopin, p. 16
6. 7. Tadeusz A. Zieliński : Frédéric Chopin (respectivement pages 44 et 46)

📚 Sources: Bibliographie

➡️ Découvrez l'empreinte indélébile du folklore polonais sur le jeune F. Chopin en cliquant sur l'épisode 6: L'immersion du jeune F. Chopin de 14 ans dans le folklore polonais le marque profondément (Biographie #06)

 La chronologie des œuvres de Chopin est détaillée dans la page Œuvres complètes




Note: afin de faciliter la recherche, en raison des contraintes de clavier, les noms cités sont orthographiés ici sans signe diacritique ni déclinaison: Zywny, Jozef Elsner, Zelazowa Wola, Antoni Barcinski, Fryderyk, Samuel Bogumil Linde, Jan Matuszynski, Tadeusz A. Zielinski, Bialoblocki, Przedmiescie 

(Biographie #05)


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