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Rafał Blechacz et Chopin

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« L’artiste conduit la poésie jusqu’à l’impalpable »   « Un coeur pur au piano, en nuances subtiles et racées » (Dernière mise à jour : 23 novembre 2024)  Rafał Blechacz, pianiste classique originaire de Pologne, a acquis une renommée internationale après  sa victoire éclatante au XVe Concours international de piano Frédéric Chopin à Varsovie. Le 21 octobre 2005  1 ,  à seulement vingt ans, il s'est distingué en remportant non seulement le premier prix, mais également tous les prix d'interprétation : meilleure Polonaise, meilleure Mazurka, meilleure Sonate, meilleur Concerto, ainsi que le Prix spécial du public. 2     Rafał Blechacz (📸  Marco Borggreve   ) Sa performance, d'une qualité exceptionnelle, a conduit le jury à ne décerner aucun deuxième prix cette année-là, une situation sans précédent dans l’histoire de ce prestigieux concours, fondé en 1927  3 .  En hommage à cette prouesse, Rafał Blechacz a également reçu une réplique de la couronne de laurier argentée offert

L'immersion du jeune F. Chopin de 14 ans dans le folklore polonais le marque profondément (Biographie #6)



Dernière mise à jour au 04/10/2024

     A l'été 1824, Frédéric Chopin est invité à la campagne chez les parents d’un camarade de classe, Dominik Dziewanowski. Il passe août et septembre dans leur domaine de Szarfania, à environ deux cents kilomètres au nord-ouest de Varsovie, dans la région actuelle de Cujavie-Poméranie. Sa santé déjà fragile est sans doute l'une des raisons de ce séjour à Szafarnia. (Les différentes régions polonaises sont détaillées dans l'article Biographie Préambule)

"Le cheval marche lentement où il veut, et moi, tel un singe sur un ours, je reste en place, plein d'effroi"

Dans la lettre du 19 août empreinte d'autodérision destinée à son ami Wilhelm Kolberg, il partage ses talents équestres: 
« Il n'y a pas que toi qui ailles à cheval, moi aussi je sais monter. Ne me demande pas comment, mais je sais..., du moins de la manière suivante: le cheval marche lentement où il veut, et moi, tel un singe sur un ours, je reste en place, plein d'effroi. Je ne suis pas encore tombé parce que ma monture ne l'a pas encore voulu (...)»


"Mais pour satisfaire tout à fait mon maigre ventre, il suffirait qu'on me donnât la permission de manger à satiété du pain de campagne" 

A l'intention de sa famille, restée à Varsovie, il rédige la chronique de ses vacances sous le titre Courrier de Szafarnia, une imitation du Courrier de Varsovie (Kurjer Warszawski), signée du pseudonyme Sieur Pichon, anagramme de Chopin. Se conformant à une diète rigoureuse prescrite par le médecin, le jeune Frédéric s’octroierait bien quelques libertés...

« Grâce à Dieu, je vais bien et le temps passe toujours de la manière la plus agréable. Je ne lis ni n'écris, mais je joue, je dessine, je cours, je profite du grand air en me promenant en voiture où, comme hier, en parcourant la campagne (...) à cheval. J'ai un appétit extraordinaire. Mais pour satisfaire tout à fait mon maigre ventre, il suffirait qu'on me donnât la permission de manger à satiété du pain de campagne. » [chleba wieyshiego écrit en caractères gras 😅 signifie pain de campagne]

Lettre de F. Chopin à sa famille à Varsovie, de Szafarnia,
10 août 1824, page 1 (The Fryderyk Chopin Society, chopin.pl)


Dans sa lettre du 16 août, Frédéric pousse la parodie du Courrier de Varsovie jusqu'à taquiner la censure récemment instaurée dans le pays. Il prend soin de soumettre son message à l'approbation de Ludwika Dziewanowska (L.D), la tante de son ami Dominik. Lorsque celle-ci raye un passage dans l'une de ses lettres, Frédéric réplique avec esprit: 
 
« je prie le censeur de ne pas me lier la langue3 ».
Lettre du 16 août 1824 de F. Chopin à sa famille (szafarnia.art.pl)

 

"Les moustiques le mordent autant qu'ils peuvent, mais heureusement, ils épargnent son nez qui, sans cela, deviendrait plus grand encore" 

 Le 24 août, dans une autre correspondance, 

« [...] Le sieur Pichon a de grands démêlés avec les cousins (moustiques) qu'il a rencontrés à Szafarnia, où ils se pressent en foule. Ceux-ci le mordent autant qu'ils peuvent, mais heureusement, ils épargnent son nez qui, sans cela, deviendrait plus grand encore 4 »

 

L'empreinte indélébile du folklore polonais 

Frédéric assiste à une noce à Bocheniec, une localité toute proche, et à des cérémonies des moissons, où il a l’occasion d’entendre des paysans chanter de nombreux chants populaires et jouer de leurs instruments. Cette immersion dans le folklore polonais laissera une empreinte indélébile. A cette époque, il commence à composer des valses et surtout des mazurkas, regroupant trois types de danses: le Mazur, originaire de Mazovie, le Kujawiak et l'Oberek. (Ces danses sont davantage explorées dans l'article dédié aux danses nationales polonaises).

C'est à Szafarnia que F. Chopin a composé pour la première fois des mazurkas 5.



 Jan Nepomucen Lewicki (1795-1871), illustration "Fête de la moisson" du livre Les costumes du peuple Polonais (...), Leon Zienkowicz, 1841.


Domaine de Szafarnia, devenu Centre Chopin de Szafarnia  
(Ośrodek Chopinowski w Szafarni, 📸 szafarnia.art.pl/en/)

Localisation de Szafarnia à environ 200 km au nord-ouest de Varsovie  (La Pologne et les voyages de F. Chopin – Google My Maps)



La grâce prévaut sur l'éclat 


Frédéric rend régulièrement visite à son ami Jan Białobłocki pendant son séjour, dans la propriété familiale de ce dernier à Sokołowo, située à cinq kilomètres de Szafarnia. Jan, pensionnaire chez les Chopin pendant l'année scolaire, a développé une complicité avec Frédéric, malgré leur différence d’âge, Frédéric étant de quatre ans son cadet. Une lettre de Frédéric à Jan de la fin de l'été 1824 lui souhaitant "la complète guérison" de sa jambe révèle que celui-ci est déjà malade, atteint d'une tuberculose osseuse.    


En cette même année 1824, Frédéric compose une quatrième Polonaise (en sol dièse mineur opus posthume, WN 4, KK IVa/3). 

Le style "brillant" se décline sous deux formes distinctes : "l'une, éblouissante sur scène, débordante d'éclat et d'élan, tandis que l'autre s'adresse à un cercle plus intime d'auditeurs, dans un salon. Dans cette dernière variante, la grâce prévaut sur l'éclat, et la Polonaise en sol dièse incarne cette variante. 6"

Le manuscrit de cette oeuvre a été offert à la dédicataire, Mme Dupont (la mère ou la fille). Des témoins rappellent que F. Chopin la jouait fréquemment avec elle à quatre mains.  

A cette période, Frédéric compose également, sur demande (de Mme Katarzyna Sowińska, la dédicataire) les Variations sur un air national allemand (en mi majeur, opus posthume, KK IVa/4, WN 6), oeuvre légère qui est une "splendide parure des salons de Varsovie de l'époque 7".  

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Anatol Ugorski interprète la Polonaise en sol dièse mineur, opus posthume  




Brigitte Engerer interprète les Variations sur un air national allemand, opus posthume   

 
🎶


1.2. Bronisław Edward Sydow: Correspondance de Frédéric Chopin, tome 1 (Korespondencja Fryderyka Chopina)
3.4. Tadeusz A. Zieliński: Frédéric Chopin
5. Polskie Radio: 200ème anniversaire du séjour de Chopin à Szafarnia
6.7. Mieczysław Tomaszewski, "Œuvres complètes de F. Chopin", Radio polonaise 2, WN4 (nifc.pl) et WN 6 (nifc.pl)

📚 Sources: Références bibliographiques

➡️  Découvrez la fascination du public pour les improvisations de F. Chopin en cliquant sur l’épisode 7A quinze ans, F. Chopin publie son premier opus, un Rondeau, fascine le public avec ses improvisations, et s'immerge dans les fêtes rurales (Biographie #7)

⏱ La chronologie de l’oeuvre de F. Chopin est détaillée dans l’article " Oeuvres complètes de F. Chopin par ordre chronologique"

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Note: afin de faciliter la recherche, en raison des contraintes de clavier, les noms cités sont orthographiés ici sans signe diacritique ni déclinaison: Sokolowo, Bialoblocki, Fryderyk, Sowinska, Bronislaw

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