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Rafał Blechacz et Chopin

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« L’artiste conduit la poésie jusqu’à l’impalpable »   « Un coeur pur au piano, en nuances subtiles et racées » (Dernière mise à jour : 23 novembre 2024)  Rafał Blechacz, pianiste classique originaire de Pologne, a acquis une renommée internationale après  sa victoire éclatante au XVe Concours international de piano Frédéric Chopin à Varsovie. Le 21 octobre 2005  1 ,  à seulement vingt ans, il s'est distingué en remportant non seulement le premier prix, mais également tous les prix d'interprétation : meilleure Polonaise, meilleure Mazurka, meilleure Sonate, meilleur Concerto, ainsi que le Prix spécial du public. 2     Rafał Blechacz (📸  Marco Borggreve   ) Sa performance, d'une qualité exceptionnelle, a conduit le jury à ne décerner aucun deuxième prix cette année-là, une situation sans précédent dans l’histoire de ce prestigieux concours, fondé en 1927  3 .  En hommage à cette prouesse, Rafał Blechacz a également reçu une réplique de la couronne de laurier argentée offert

F. Chopin à Dresde: de l'improbable chaise à porteurs au tricot des grandes dames (Biographie #48)





     Après quatre jours passés à Breslau (actuelle Wrocław), Frédéric Chopin part avec son ami Tytus Woyciechowski pour Dresde, où ils envisagent de rester une semaine. Dès le premier jour, il rend visite à la pianiste Antoinette Pechwell 1, pour laquelle il éprouve de l’estime depuis son dernier séjour à Dresde. Elle l’invite à une soirée des plus distinguées, dont les détails inspireront l’humour corrosif de Frédéric lorsqu’il la décrira à ses parents. Lors de ce séjour, il côtoie principalement des familles polonaises, notamment les Komar, chez qui il rencontre probablement pour la première fois leur fille Delfina, épouse Potocka 2 . Il fait aussi la connaissance d’un héros de l’insurrection de Kościuszko, le général Kniaziewicz, qui lui témoigne d’emblée une vive sympathie. C’est cependant le pianiste et compositeur August Klengel que Frédéric prend le plus de plaisir à retrouver, malgré leur différence d’âge.

Dans ses lettres des 14 et 21 novembre 1830, Frédéric relate son séjour à sa famille :


"Je trouvais ridicule d'être véhiculé de la sorte par des hommes en livrée et j'avais fort envie de défoncer le fond de la caisse"

« Ici, ma première visite a été pour Mademoiselle Pechwell. Elle devait jouer le vendredi suivant à la Ressource, de Dresde, et me fit donner une entrée. [...] Ainsi donc, tiré à quatre épingles, j'envoyai chercher une chaise à porteurs, je pris place dans cette drôle de boite et je me fis conduire à la maison de Kreissig où le concert avait lieu. Je trouvais ridicule d'être véhiculé de la sorte par des hommes en livrée et j'avais fort envie de défoncer le fond de la caisse. Pourtant, je me retins. La chaise me déposa au pied même de l'escalier. […]

La Madone Sixtine de Raphaël (vers 1512, Gemäldegalerie Alte Meister, Dresde, 📸 Wikimedia)

"Je fus ébloui moins par l'éclat de leurs diamants que par celui des aiguilles à tricoter qu'elles maniaient activement"

« Le maitre de la maison […] me fit entrer dans la salle où j'aperçus une multitude de dames assises autour de huit énormes tables. Je fus ébloui moins par l'éclat de leurs diamants que par celui des aiguilles à tricoter qu'elles maniaient activement. En vérité, le nombre des dames et des aiguilles était si grand qu'un soulèvement général des femmes contre les hommes eût été redoutable, car ceux-ci qu'auraient-ils pu y opposer? Des lunettes et des crânes dénudés. Il y avait en effet nombre de lunettes et une tête chauve sur deux dans l'assemblée ! Le bruit des aiguilles et celui des tasses à thé furent soudain interrompus par la musique qui se fit entendre à l'extrémité de la salle. […]


"Je n'ai pas de temps à perdre et Dresde ne me donnerait ni gloire ni argent"

« Comme j'allais pour voir Klengel ce matin, je le rencontrai dans la rue, non loin de sa maison. II me reconnut tout de suite et se montra si aimable que j'en fus touché jusqu'au coeur. Je l'estime beaucoup. Après m'avoir demandé mon adresse, il me pria d'aller le voir le lendemain matin. Il me conseilla de jouer en public, mais je demeurerai sourd à cette objurgation. Je n'ai pas de temps à perdre et Dresde ne me donnerait ni gloire ni argent. […] Au reste, rien n'est digne d'attention ici si ce n'est mon cher Klengel chez qui il me faudra probablement jouer demain. J'aime causer avec lui parce qu'il y a toujours quelque chose à apprendre de lui. Je n'ai rien été revoir à Dresde, si ce n'est la galerie de tableaux. Quant au "Grüne Gewolbe", il suffit d'y être allé une fois. » 3

La galerie de tableaux en question est la Gemäldegalerie Alte Meister (Galerie de Peinture des Vieux Maîtres). Le biographe contemporain de Chopin, Maurycy Karasowski (1823-1892) lui a d’ailleurs attribué cette phrase : "si j’habitais ici, j’y serais chaque semaine. Car il s’y trouve des tableaux à la vue desquels j'ai l'impression d'entendre de la musique." 

Est-ce la Madone Sixtine de Raphaël, son peintre préféré, auquel il sera comparé par ses contemporains, qui lui inspire cette association de sons et de couleurs ? 

Quant à la Grünes Gewolbe (la Voûte Verte), il s’agit d’un musée de joyaux et d’objets précieux, dont les colonnes furent un temps peintes en vert malachite. 5

Le musée Grünes Gewolbe (la Voûte Verte) à Dresde (📸 gruenes-gewoelbe.skd.museum)



"D'après lui, je possède un toucher rare"

«  […] Dès que je fus lié davantage avec Klengel, c'est-à-dire lorsque je lui eus fait entendre mes Concertos, il me déclara que mon jeu lui rappelait celui de Field. D'après lui, je possède un toucher rare. En vérité, il avait, m'a-t il dit, beaucoup entendu parler de moi, mais ne me croyait pas un tel virtuose. Ce ne sont pas là des compliments mondains car il me confia qu'il ne savait pas flatter les gens et qu’il détestait louer par politesse. […] Le lendemain matin, il vint me voir […]. J'ai reçu Klengel comme j'ai reçu peu de gens en ma vie. Si je le connaissais depuis trente ans je n'aurais pas plus d'amitié pour lui.


"Vraiment j'étais poursuivi partout comme un chien"

« De son côté, il me marque aussi beaucoup d'affection, il m'a demandé les partitions de mes Concertos et m'a conduit à une soirée chez Madame Niesiolowska. Le même jour, une réception avait lieu chez Madame Szczerbinin et je devais m'y rendre aussi. […] Vraiment j'étais poursuivi partout comme un chien. Le même jour, je dus aller aussi chez Madame Dobrzycka. […] A Dresde, j'ai déjeuné aussi chez les Komar. Klengel m'a donné une lettre pour Vienne où il compte se rendre lui-même aussi plus tard, […]. Mon jeu a plu infiniment au général Kniaziewicz. II m'a dit qu'aucun pianiste ne lui avait fait encore une impression aussi agréable. » 6



1. Antoinette Pechwell: première pianiste de Dresde, et élève d’ August Klengel (Marie-Paule Rambeau: Chopin, l’Enchanteur autoritaire, page 156)
2. Tadeusz A. Zieliński: Frédéric Chopin (page 234), Marie-Paule Rambeau: Chopin, l’Enchanteur autoritaire (page 208) et l' Institut National Frédéric Chopin (Narodowy Instytut Fryderyka Chopina, 12-19 November 1830)
3. Bronisław Edward Sydow: Correspondance de Frédéric Chopin, tome I (Korespondencja Fryderyka Chopina): lettre du 14 novembre 1830
4. Marie-Paule Rambeau: Chopin, l’Enchanteur autoritaire, (pages 209 et 272), Tadeusz A. Zieliński: Frédéric Chopin (page 234), et l' Institut National Frédéric Chopin (12-19 November 1830)
5. : Wikipedia:  Grünes Gewölbe
6. Bronisław Edward Sydow: Correspondance de Frédéric Chopin, tome I : lettre du 21 novembre 1830


📚 Sources: Références bibliographiques

➡️Découvrez les débuts insouciants du séjour à Vienne de  Frédéric Chopin en cliquant sur l'épisode 49F. Chopin à Vienne: un début de séjour insouciant (Biographie #49)

⏱ La chronologie de l’oeuvre de F. Chopin est détaillée dans l’article " Oeuvres complètes de F. Chopin par ordre chronologique"


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Note: afin de faciliter la recherche, en raison des contraintes de clavier, les noms cités sont orthographiés ici sans signe diacritique ni déclinaison : Kosciuszko, Bronislaw, Zielinski, Fryderyk


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