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Rafał Blechacz et Chopin

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« L’artiste conduit la poésie jusqu’à l’impalpable »   « Un coeur pur au piano, en nuances subtiles et racées » (Dernière mise à jour : 23 novembre 2024)  Rafał Blechacz, pianiste classique originaire de Pologne, a acquis une renommée internationale après  sa victoire éclatante au XVe Concours international de piano Frédéric Chopin à Varsovie. Le 21 octobre 2005  1 ,  à seulement vingt ans, il s'est distingué en remportant non seulement le premier prix, mais également tous les prix d'interprétation : meilleure Polonaise, meilleure Mazurka, meilleure Sonate, meilleur Concerto, ainsi que le Prix spécial du public. 2     Rafał Blechacz (📸  Marco Borggreve   ) Sa performance, d'une qualité exceptionnelle, a conduit le jury à ne décerner aucun deuxième prix cette année-là, une situation sans précédent dans l’histoire de ce prestigieux concours, fondé en 1927  3 .  En hommage à cette prouesse, Rafał Blechacz a également reçu une réplique de la couronne de laurier argentée offert

Sous les regards critiques : la sensibilité de F. Chopin à l'épreuve (Biographie #35)




     Après le deuxième concert du 22 mars 1830, au Théâtre national, Frédéric Chopin se retrouve malgré lui au centre d’une vive polémique. En effet, dans le Journal général national (Powszechny Dziennik Krajowy) du 25 mars 1830, Józef Cichowski ose comparer le jeune compositeur à Mozart.

"La Fortune a donné M. Chopin aux Polonais, comme Mozart aux Allemands"

«M. Chopin, doué d'un génie transcendant, peut être comparé seulement à Mozart : même audace, même profusion d'idées neuves et originales, autant de variété dans le style de chaque oeuvre et même de chaque mouvement, autant de diversité dans les nuances et dans l'harmonie. (...) La Fortune a donné M. Chopin aux Polonais, comme Mozart aux Allemands. M. Chopin donc, en quelque sorte, nous appartient en propre.»

Cependant, Cichowski ne s’arrête pas là et rend également hommage au professeur de F. Chopin, Józef Elsner, affirmant que celui-ci l’aurait préservé de l’influence de Rossini. Or, le directeur de l’Opéra de Varsovie, Karol Kurpiński, qui a dirigé l’orchestre lors des deux concerts de F. Chopin, est un "Rossiniste" et un rival d’Elsner.

La Gazette de Varsovie (Gazeta Warszawska) du 4 avril rétorque en soulignant que "des dissonances choquantes qui, sorties de la plume de compositeurs inexpérimentés heurtent, ou pire, agressent les oreilles", et que le jeune Chopin pourrait bénéficier de l’enseignement de Rossini afin de savoir comment traiter les différents instruments.2


Tytus Woyciechowski, vers 1875 (📸wikipedia.org)


Bien qu’appréciant d’être qualifié d’'original' par ses partisans et ses détracteurs, Frédéric vit mal ces critiques, comme en témoigne sa lettre à son ami Tytus Woyciechowski du 10 avril : 

«L'article du Journal Officiel prétend, figure-toi, qu'ainsi que les Allemands sont fiers de Mozart, les Polonais un jour le seront de moi, non-sens évident. […] Bien que je ne sois rien, l’auteur de l’article a raison, car si je n’avais pas étudié avec Elsner, qui sut me comprendre, j’en saurais encore moins aujourd’hui.  […] je lus dans la Gazette Polonaise une réponse qui, le plus justement du monde, m’enlevait ce que l'autre m'avait inconsidérément donné. […] 3 »


"Mon deuxième Concerto en mi mineur n’aura de valeur pour moi que lorsque tu l’auras entendu"

Frédéric envisage alors de se concentrer sur son deuxième Concerto et retarde le troisième concert. Il se confie ainsi à Tytus : 

«Il me semble que mon deuxième Concerto en mi mineur n’aura de valeur pour moi que lorsque tu l’auras entendu. […] Quant au troisième concert que tous ici réclament à présent, je le donnerai juste avant mon départ. J’y jouerai mon nouveau [Concerto] (ce nouveau n’est pas encore fini), la Fantaisie polonaise, comme on me l’a demandé, et les Variations pour toi [sur La Ci Darem la Mano de Mozart] […]. Et voici Celiński qui prend à coeur de me promener ; le brave veille sur ma santé ! Je vais sortir avec lui. Peut-être rencontrerai-je quelqu’un qui me fera penser à toi ; et moi je n’aime que toi.

F. Chopin [...] »


"Je ne veux plus rien lire de ce qu’on écrit sur moi"

Une semaine plus tard, le 17 avril, déçu des retombées de son succès, Frédéric écrit à Tytus : 

«[…] Comme je chasserais les pensées qui empoisonnent mon existence, si je n’éprouvais un délice à les cultiver. Je ne sais moi-même ce qui me manque. Peut-être m’apaiserais-je en t’écrivant ; tu sais combien j’aime le faire. […] Je ne veux plus rien lire de ce qu’on écrit sur moi… Je ne veux plus rien écouter de ce qu’on me rapporte des bavardages faits à mon sujet.5»


1. Marie-Paule Rambeau: Chopin, l’Enchanteur autoritaire (page 172)
2. Institut National Frédéric Chopin (Narodowy Instytut Fryderyka Chopina)25 mars 1830
3. 4.5. Bronisław Edward Sydow: Correspondance de Frédéric Chopin, tome I (Korespondencja Fryderyka Chopina)

📚 Sources: Références bibliographiques 

➡️ Découvrez  l'Adagio du nouveau Concerto de F. Chopin en cliquant sur l'épisode 36F. Chopin en mai 1830: Un doux regard tourné vers un lieu évoquant mille charmants souvenirs (Biographie #36)

⏱ La chronologie de l’oeuvre de F. Chopin est détaillée dans l’article " Oeuvres complètes de F. Chopin par ordre chronologique"


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Note: afin de faciliter la recherche, en raison des contraintes de clavier, les noms cités sont orthographiés ici sans signe diacritique ni déclinaison: Jozef Cichowski, Jozef Elsner, Fryderyk, Karol Kurpinski, Celinski, Bronislaw 

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